viernes, 17 de julio de 2015

“Les fleurs du mal”, AU LECTEUR, de Charles Baudelaire

AU LECTEUR

La sottise, l'erreur, le péché, la lésine,
Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
Et nous alimentons nos aimables remords,
Comme les mendiants nourrissent leur vermine.

Nos péchés son têtus, nos repentirs sont lâches;
Nous nous faisons payer grassement nos aveux,
Et nous rentrons gaîment dans le chemin bourbeux,
Croyant par des vils pleurs laver toutes nos taches.

Sur l'oreiller du mal c'est Satan Trismégiste
Qui berce longuement notre esprit enchanté,
Et le riche métal de notre volonté
Est tout vaporisé par ce savant chimiste.

C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent!
Aux objets répugnants nous trouvons des appas;
Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas,
Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.

Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mange
Le sein martyrisé d'une antique catin,
Nous volons au passage un plaisir clandestin
Que nous pressons bien fort comme une vieille orange.

Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes,
Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons,
Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons
Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.

Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie,
N'ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins
Le canevas banal de nos piteux destins,
C'est que notre âme, hélas! n'est pas assez hardie.

Mais parmi les chacals, les panthères, les lices,
Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents,
Les monstres glapissants, hurlans, grognants, rampants,
Dans la ménagerie infâme de nos vices,

Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde!
Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,
Il ferait volontiers de la terre un débris
Et dans un bâillement avalerait le monde;

C'est l'Ennui! -l'oeil chargé d'un pleur involontaire,
Il rêve d'échafauds en fumant son houka.
Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,
-Hypocrite lecteur. -mon semblable, -mon frère!

Charles Baudelaire (Les fleurs du mal, 1837)


AL LECTOR

Torpeza, falsedad, pecado y mezquindad
Ocupan nuestras almas y alteran nuestros cuerpos
y nutrimos amables nuestros remordimientos,
Como los pordioseros alimentan sus piojos.

Nuestras culpas son tercas, nuestros pesares tímidos;
Exigimos con creces precio a las confesiones,
Y alegres regresamos al camino fangoso,
Creyendo con vil llanto enjuagar nuestras culpas.

En la almohada del mal es Satán Trigemisto
quien mece largamente nuestro ánimo hechizado,
Y el valioso metal de nuestra voluntad
Todo es evaporado por este sabio químico.

¡El Diablo maneja los hilos que nos mueven!
Encontramos encanto a objetos répugnantes;
Cada día al Infierno descendemos un paso,
Sin horror, a través de tinieblas que hieden.

Cual libertino pobre que besa y se alimenta
Del maltratado seno de una vieja ramera,
Robamos al pasar un placer clandestino
Que exprimimos bien fuerte como naranja seca.

Apretado, repleto, como un millón de helmintos,
Vive en nuestro cerebro un pueblo de Demonios,
Y, cuando respiramos, la Muerte a los pulmones
Baja, río invisible, con silenciosas quejas.

Si el estupro, el veneno, el puñal, el incendio,
Aún no han recamado de agradables dibujos
El banal cañamazo de nuestros tristes sinos,
Es que nuestra alma, ¡ay!, no es bastante atrevida.

Pero entre los chacales, las panteras, los linces,
Las monas, escorpiones, los buitres, las serpientes,
Los monstruos que gañitan, aullan, gruñen, se arrastran
En la infame leonera de nuestras corrupciones,

¡Hay uno aún más feo, más malo, más inmundo!
Aunque no gesticule ni lance grandes gritos,
Gustosamente haría de la tierra pedazos
Y con solo un bostezo engulliría el mundo;

¡Es el Tedio! -en los ojos un falso lagrimeo,
Sueña con los cadalsos mientras fuma su pipa.
Lector, tu ya conoces tan delicado monstruo,
-¡Hipócrita lector. -mi prójimo, -mi hermano!

Charles Baudelaire
(Versión de Pedro Casas Serra)

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