martes, 21 de julio de 2015

“Les fleurs du mal”, L'ENNEMI, de Charles Baudelaire

X. L'ENNEMI

Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversé ça et là par de brillants soleils;
Le tonnerre et la pluie on fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.

Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur?

-O douleur! Ô douleur! Le Temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie!

Charles Baudelaire, Les fleurs du mal, 1837.


X. EL ENEMIGO

Mi juventud no fue sino oscura tormenta,
Atravesada a veces por soles cegadores;
Los rayos y la lluvia causaron tal estrago,
Que queda en mi jardín poca fruta en sazón.

He alcanzado el otoño total de las ideas,
Y es necesario usar la pala y el rastrillo
Para reunir de nuevo las tierras anegadas
Donde hizo el agua hoyos tan grandes como tumbas.

¿Quién sabe si las flores nuevas con las que sueño
Sacarán de este suelo lavado como arena
El místico alimento que les daría vigor?

-¡Oh dolor! ¡Oh dolor! Come el Tiempo la vida,
Y el oscuro Enemigo que nos roe el corazón
Con la sangre gastada crece y se fortifica!

Charles Baudelaire
(Versión de Pedro Casas Serra)

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