miércoles, 12 de agosto de 2015

“Les fleurs du mal”, LE MORT JOYEUX, de Charles Baudelaire

LXXIII. LE MORT JOYEUX

Dans une terre grasse et pleine d'escargots
Je veux creuser moi-même une fosse profonde,
Où je puisse à loisir étaler mes vieux os
Et dormir dans l'oubli comme un requin dans l'onde.

Je hais les testaments et je hais les tombeaux;
Plutôt que d'implorer une larme du monde,
Vivant, j'aimerais mieux inviter les corbeaux
À saigner tous les bouts de ma carcasse immonde.

Ô vers! Noirs compagnons sans oreille et sans yeux,
Voyez venir à vous un mort libre et joyeux;
Philosophes viveurs, fils de la pourriture,

À travers ma ruine allez donc sans remords,
Et dites-moi s'il est encor quelque torture
Pour ce vieux corps sans âme et mort parmi les morts!

Charles Baudelaire, Les fleurs du mal, 1837.
 

LXXIII. EL MUERTO FELIZ

En una tierra fértil, llena de caracoles,
Una fosa profunda quisiera yo cavar,
Donde extender a gusto mis pobres huesos viejos
Y en olvido dormir cual escualo en el mar.

Odio los testamentos al igual que las tumbas;
Y mejor que implorar una lágrima al mundo,
Preferería, vivo, invitar a los cuervos
A pelar los extremos de mi carcasa inmunda.

¡Gusanos! Compañeros sin ojos ni oídos,
Ved llegar a vosotros un libre y feliz muerto;
Filosofos vivientes, hijos de la carroña,

A través de mi ruina id sin remordimientos,
Y decidme si aún resta siquiera una tortura
¡Para un cuerpo sin alma y muerto entre los muertos!

Charles Baudelaire
(Versión de Pedro Casas Serra)

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