lunes, 17 de agosto de 2015

“Les fleurs du mal”, LES MÉTAMORPHOSES DU VAMPIRE, de Charles Baudelaire

LXXXVII. LES MÉTAMORPHOSES DU VAMPIRE

La femme cependant, de sa bouche de fraise,
En se tordant ainsi qu'un serpent sur la braise,
Et pétrissant ses seins sur le fer de son busc,
Laissait couler ces mots tout imprégnés de musc:
-”Moi, j'ai la lèvre humide, et je sais la science
De perdre au fond d'un lit l'antique conscience.
Je sèche tous les pleurs sur mes seins triomphants,
Et fais rire les vieux du rire des enfants.
Je remplace, pour qui me voit nue et sans voiles,
La lune, le soleil, le ciel et les étoiles!
Je suis, mon cher savant, si docte aux voluptés,
Lorsque j'étouffe un homme en mes bras redoutés,
Ou lorsque j'abandonne aux morsures mon buste,
Timide et libertine, et fragile et robuste,
Que sur ces matelas qui se pâment d'émoi,
Les anges impuissants se damneraient pou moi!”

Quand elle eut de mes os sucé toute la moelle,
Et que languissamment je me tournai vers elle
Pour lui rendre un baiser d'amour, je en vis plus
Qu'une outre aux flancs gluants, toute pleine de pus!
Je fermai les deux yeux, dans ma froide épouvante,
Et quand je les rouvris à la clarté vivante,
A mes côtés, au lieu de mannequin puissant
Qui sambleit avoir fait provision de sang,
Tremblaient confusément des débris de squelette,
Qui d'eux-mêmes rendaient le cri d'une girouette
Ou d'une enseigne, au bout d'une tringle de fer,
Que balance le vent pendant les nuits d'hiver.

Charles Baudelaire, Les fleurs du mal,1837.


LXXXVII. LAS METAMORFOSIS DEL VAMPIRO

La mujer, mientras tanto, de su boca de fresa,
Retorciendose igual que serpiente en las brasas,
Y moldeando sus pechos los hierros del corsé,
Exhalaba palabras impregnadas de almizcle:
-”Tengo húmedos los labios, y conozco la ciencia
De perder en el fondo del lecho la conciencia.
Seco todos los llantos en mis pechos triunfantes,
Y hago reír a los viejos con risas infantiles.
¡Para quien me contempla desnuda y desvelada,
Reemplazo al sol, la luna, el cielo y las estrellas!
¡Soy, mi querido sabio, tan docta en los deleites,
Cuando sofoco a un hombre en mis temidos brazos,
O cuando a los mordiscos abandono mi busto,
Tímida y libertina, delicada y robusta,
Que sobre esos colchones que de emoción se arroban,
Impotentes los ángeles se perdieran por mí!”

Cuando hubo succionado de mis huesos la médula,
Y muy languidamente me volvía hacia ella
Para rendirle un beso de amor, ¡yo no vi más
Que un odre pegajoso, rebosante de pus!
En mi helado terror, los dos ojos cerré,
Y cuando los reabrí al vivo resplandor,
Junto a mí, en el lugar del maniquí potente
Que parecía haber hecho provisión de mi sangre,
En confusión temblaban pedazos de esqueleto,
De los cuales surgían chirridos de veleta
O de rótulo, al cabo de una percha de hierro,
Qué balancea el viento en las noches de invierno.

Charles Baudelaire
(Versión de Pedro Casas Serra)

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