domingo, 9 de agosto de 2015

“Les fleurs du mal”, SPLEN (Je suis comme le roi d'un pays pluvieux...), de Charles Baudelaire

LXI. SPLEEN

Je suis comme le roi d'un pays pluvieux,
Riche, mais impuissant, jeune et pourtant très-vieux,
Qui, de ses précepteurs méprisant les courbettes,
S'ennuie avec ses chiens comme avec d'autres bêtes.
Rien ne peut l'égayer, ni gibier, ni faucon,
Ni son peuple mourant en face du balcon.
Du bouffon favori la grotesque ballade
Ne distrait plus le front de ce cruel malade;
Son lit fleurdelisé se transforme en tombeau,
Et les dames d'autour, pour qui tout prince est beau,
Ne savent plus trouver d'impudique toilette
Pour tirer un souris de ce jeune squelette.
Le savant qui lui fait de l'or n'a jamais pu
De son être extirper l'élément corrompu,
Et dans ces bains de sang qui des Romains nous viennent,
Et dont sur leurs vieux jours les puissants se souviennent,
Il n'a su réchuffer ce cadavre hébété
Où coule au lieu de sang l'eau verte de Lethé.

Charles Baudelaire, Les fleurs du mal, 1837.


LXI. SPLEEN

Yo soy como el monarca de un lluvioso país,
Rico, pero impotente, joven, pero muy viejo,
Que, de sus preceptores menospreciando halagos,
Se aburre con sus perros como con otras bestias.
Nada puede alegrarle, ni venado, ni halcón,
Ni su pueblo que muere enfrente a su balcón.
La grotesca balada del bufón favorito
Ya no distrae la frente de este enfermo cruel;
Su cama engalanada se transforma en sepulcro,
Y las damas de corte, que aman a todo príncipe,
Ya no saben que impúdicos vestidos estrenar
Para hacer sonreir a este tierno esqueleto.
Los sabios alquimistas no han conseguido nunca
Estirpar de su ser la parte corrompida,
Ni con baños de sangre que nos vienen de Roma,
Y que en su ancianidad los pudientes practican,
Han sabido caldear tal pasmado cadáver
Donde en lugar de sangre fluye agua del Leteo.

 Charles Baudelaire
(Versión de Pedro Casas Serra)

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